Élie Okobo : l’odyssée d’un joueur sans complexe

À 27 ans, Elie Okobo s'est imposé comme l'un des meneurs-arrières les plus complets d'Europe. Entre NBA, expériences EuroLeague, titres en France et équipe de France, le Bordelais s'est affirmé comme une référence à son poste. Ses qualités de créateur, ses moves signatures et son sang-froid font de lui un joueur à part.

Les racines bordelaises d'un futur champion

Né le 23 octobre 1997 à Bordeaux, Elie-Franck Okobo grandit dans un environnement familial baigné de sport. Son père Yves, d'origine congolaise, est un ancien basketteur qui a évolué jusqu'en NM2, la quatrième division française. Cette filiation sportive, combinée aux valeurs transmises par sa mère Bonie Nausica, forge très tôt le caractère du futur international français.

C'est à seulement 3 ans qu'Elie découvre la balle orange, bien avant que la plupart de ses futurs coéquipiers ne touchent leur premier ballon. Ses premiers pas se font au Sport Athlétique Mérignacais, puis à l'AS Tresses, avant de rejoindre les JSA Bordeaux, club phare de la métropole girondine. Cette progression dans les clubs locaux lui permet de développer ses fondamentaux tout en gardant ses racines ancrées dans le terroir bordelais.

L'adolescence d'Okobo n'est pas de tout repos. Physiquement moins développé que ses camarades, il compense par une technique déjà affûtée et une intelligence de jeu précoce. Adolescent, son physique n'était pas son point fort. Au collège, il était surclassé dans la catégorie d'âge au-dessus de la sienne. Ainsi, Elie devait faire face à des joueurs plus grands et matures que lui physiquement. Cette adversité précoce forge son mental et sa capacité d'adaptation, qualités qui l'accompagneront tout au long de sa carrière.

En 2014, à 16 ans, il fait le grand saut vers les JSA Bordeaux en NM1 pour trois matchs. Malgré un temps de jeu limité, cette expérience lui ouvre néanmoins les portes du centre de formation de l'Élan Béarnais Pau-Lacq-Orthez la saison suivante.

Un parcours de formation exemplaire

L'arrivée à Pau en 2014 marque le véritable début de la carrière d'Okobo. Intégré au championnat Espoirs dès ses 17 ans, il s'épanouit immédiatement avec des moyennes de 10 points, 3 rebonds et 1,9 passe décisive, ponctuées par un match référence à 24 points dont 6/7 à trois points. Ces performances lui valent un contrat professionnel de trois ans, même si sa première saison pro (2015-2016) se limite à 6 apparitions en Pro A.

C'est en championnat Espoirs qu'il explose vraiment : 15,8 points, 4,3 rebonds, 3,1 passes et 2,1 interceptions par match en 32 minutes, menant son équipe jusqu'en finale. Sa progression est constante, et lors de la saison 2016-2017, il devient un élément à part entière de l'équipe première de Pau avec 4,8 points en 14 minutes de moyenne.

La consécration arrive en 2017-2018. À 20 ans, Okobo prend une dimension nouvelle avec 12,9 points (47% au tir, 39% à 3-points), 2,8 rebonds et 4,8 passes décisives en 26 minutes par match. Mais c'est surtout en playoffs qu'il entre dans l'histoire : face à Monaco au premier tour, il plante 44 points malgré la défaite, une performance qui attire les regards NBA.

L'aventure NBA : entre rêve et désillusion

Fort de ses performances exceptionnelles, Okobo se présente à la Draft NBA 2018. Les Phoenix Suns le sélectionnent en 31ème position, faisant de lui le premier Français drafté cette année-là. Le rêve américain commence avec un contrat rookie de quatre saisons et des espoirs légitimes de s'imposer dans la meilleure ligue du monde.

Sa première saison NBA (2018-2019) est encourageante pour un rookie : 53 matchs, 18 minutes de moyenne, 5,7 points, 1,8 rebond et 2,4 passes décisives. Ses records personnels parlent d'eux-mêmes : 19 points contre les Clippers, 11 passes face aux Hawks, 5 interceptions dans le même match contre LA. Ces statistiques, honorables pour un second tour de Draft, laissent présager un bel avenir en Arizona.

La saison 2019-2020 confirme son adaptation au niveau NBA avec 55 matchs disputés, mais son temps de jeu diminue (13 minutes de moyenne) et ses stats suivent la tendance : 4,0 points, 1,6 rebond, 2,1 passes. L'arrivée de Cameron Payne, très efficace dans la "bulle" de Disney World, complique sa situation. Les Suns, en pleine reconstruction, font des choix qui ne favorisent pas le Français.

Le couperet tombe en novembre 2020 : Phoenix décide de ne pas conserver Okobo, qui devient free agent non protégé. Une tentative de rebond avec les Long Island Nets en G-League ne débouche sur rien de concret. Après 108 matchs NBA au total, l'aventure américaine se termine prématurément.

Le retour triomphant en Europe

L'été 2021 sonne l'heure du retour en Europe avec un transfert à l'ASVEL. C'est une renaissance complète qui s'opère sous les couleurs villeurbannaises. Dès sa première saison, Okobo retrouve ses sensations en étant l'option numéro 1 en attaque : 27 matchs d'Euroleague à 14,5 points, 2,8 rebonds et 3,9 passes en 25 minutes.

En Betclic Élite, il tourne à 13,2 points en 26 matchs de saison régulière. Mais c'est en playoffs qu'il atteint des sommets, particulièrement en finale contre Monaco. Sur ces cinq matchs de finale, il compile 16,6 points (19,2 d’évaluation en moyenne), avec un match 5 d'anthologie : 20 points dont l'égalisation cruciale à 3 secondes de la fin du temps réglementaire, envoyant le match en prolongation.

Cette performance lui vaut le titre de MVP des finales TCL, récompense méritée pour celui qui a porté l'ASVEL vers son 21ème titre de champion de France. "Joueur le plus régulier de Lyon-Villeurbanne durant les 5 épisodes", selon la LNB, Okobo prouve qu'il a retrouvé sa dimension de leader.

@Infinity Nine Media

L'épanouissement monégasque

L'été 2022 marque un nouveau tournant avec son transfert à l'AS Monaco, contre toute attente puisqu'il rejoint le club qu'il venait de battre en finale. Ce changement d'air s'avère payant : dès sa première saison, il remporte la Coupe de France 2023 en battant... l'ASVEL 90-70, avec à la clé un nouveau titre de MVP (20 points, 7 passes, 6 rebonds).

En 2022-2023, Okobo confirme également en Euroleague, il compile 41 matchs à 12,0 points et 3,6 passes décisives de moyenne. Monaco termine champion de France et demi-finaliste d'Euroleague, avec Okobo en figure de proue offensive.

Les saison 2023-2024 et 2024-2025 confirme son statut de lieutenant de Mike James et il emmène Monaco à deuxième titre de champion de France en 2024 et à une finale d'EuroLeague en 2025.

@AS Monaco Basket

Le style Okobo : créativité et efficacité

Gaucher de 1,91 m, Elie Okobo incarne le meneur-arrière moderne : polyvalent, créatif et efficace de près ou de loin. A l'image de James Harden, c'est un vrai gaucher qui aime avoir le ballon en main pour créer pour lui ou pour ses coéquipier.

Son tir extérieur est désormais respecté : 39% à 3-points en Euroleague en 2024-2025. Il excelle particulièrement en catch-and-shoot et en step-back après drible pour se créer de l'espace. Son analyse vidéo par Process Corporation & BeBasket révèle un joueur à l'arsenal technique complet en attaque.

Okobo est un spécialiste du 1-contre-1 grâce à son handle serré, sa capacité à changer de rythme et sa lecture des défenses. Même s'il est un avant tout un scorer, sa vision du jeu lui permet de faire briller ses coéquipier, notamment sur pick-and-roll comme en atteste ses 4,1 passes par match en Euroleague la saison dernière.

Défensivement, malgré son gabarit modeste, Okobo compense par son intelligence et sa combativité. Ses 0,9 interception par match en Euroleague prouvent qu'il sait anticiper et perturber les circuits adverses. Sa polyvalence lui permet de défendre sur les deux postes arrière.

L'aventure en Bleu : de l'espoir à la désillusion

L'aventure d'Okobo avec l'équipe de France débute en 2017 avec une médaille de bronze à l'Euro U20. Cette première expérience internationale révèle un joueur déjà mature, capable d'assumer des responsabilités dans les grands rendez-vous.

Sa première sélection senior arrive en 2019, mais sa première campagne estivale avec les A se déroule lors de l'EuroBasket 2022 où il décroche la médaille d'argent. Il a, à priori, un rôle de supersub offensif en sortie de banc mais a finalement du mal à trouver sa place dans le collectif de Vincent Collet, il compile 4,0 points et 1,1 passe en 13,1 minutes sur 9 matchs.

La Coupe du Monde 2023 tourne au cauchemar avec l'élimination précoce de l'équipe de France. Okobo, utilisé avec parcimonie par Vincent Collet, n'est pas à son aise non plus dans cette campagne ratée. L'épisode du match contre le Liban, où Collet fustige publiquement son comportement, marque une rupture.

L'EuroBasket 2025 sous Frédéric Fauthoux est un nouveau départ. Okobo retrouve un rôle central (12,7 points, 5 passes par match), notamment avec un double-double face à la Pologne (14 points, 10 passes). Mais l'élimination prématurée face à la Géorgie (4/12 au tir, 1/5 à 3-points) laisse un goût amer collectivement.

@Team France Basket

L'avenir s'écrit à Monaco

À 27 ans, Elie Okobo entre dans sa prime. Sous contrat avec Monaco jusqu'en 2027, il forme avec Mike James l'une des paires de guards les plus redoutables d'Europe. Sa progression constante depuis son retour d'NBA prouve qu'il a su tirer les leçons de ses échecs pour rebondir plus fort.

Ses ambitions restent intactes : "On veut tout gagner. Quand on goûte à une finale d'Euroligue la saison passée et qu'on ne passe pas loin, ça laisse un goût amer. Cette saison, on veut un goût sucré". Cette mentalité, associée à son talent, fait de lui l'un des piliers du projet monégasque.

Sa maturité grandissante et son statut de leader à Monaco pourraient lui ouvrir de nouveaux horizons avec les Bleus, notamment en vue des futurs rendez-vous internationaux.

Sa carrière illustre parfaitement les parcours modernes : de la formation française à la NBA, en passant par l'Euroleague, Okobo a su s'adapter à tous les environnements. Son style de jeu, fait de créativité et d'efficacité, continuera d'illuminer les parquets français et européens dans les années à venir.