Après dix-huit mois d’absence sur les écrans gratuits, la Betclic Élite fait son grand retour sur La Chaîne L’Équipe ce dimanche 28 septembre avec un match par journée diffusé à 19 heures. Cette annonce, confirmée par Brice Daumin, PDG France de DAZN, marque un tournant crucial dans la stratégie médiatique du basket français. Un retour aux sources qui pourrait bien changer la donne pour un sport longtemps malmené par l’instabilité de ses diffuseurs.
Les galères du passé : un sport balloté de chaîne en chaîne
L’histoire récente de la diffusion du basket français ressemble à un parcours du combattant. Depuis la disparition de Sport+ en 2015, le championnat de France n’a cessé de changer de diffuseur, créant une instabilité préjudiciable à son développement.
En cinq ans seulement, la Jeep Elite (ancêtre de la Betclic Élite) est passée par Ma Chaîne Sport, L’Équipe 21 et RMC Sport. Cette instabilité a culminé avec l’épisode traumatisant de 2024, lorsque Skweek a brutalement cessé ses paiements en avril, laissant le championnat sans diffuseur en pleine phase finale. Une situation qui rappelait tristement l’effondrement de Mediapro dans le football.
Le contraste avec l’âge d’or des années 1980 est saisissant. À l’époque, le basket français captivait 1,5 million de téléspectateurs en moyenne sur Antenne 2, portés par les exploits européens du CSP Limoges, d’Orthez ou d’Antibes. Aujourd’hui, le sport doit se contenter d’audiences confidentielles sur des chaînes payantes à 25 euros par mois.
Les contours du nouveau contrat : un partenariat salvateur
Le retour sur La Chaîne L’Équipe s’inscrit dans le cadre du contrat de cinq ans signé entre la LNB et DAZN jusqu’en 2029. La plateforme britannique a accepté de partager la fenêtre dominicale avec la TNT gratuite.
Concrètement, DAZN conserve l’exclusivité sur l’ensemble de la programmation hebdomadaire : un match le vendredi à 20h30, quatre matches le samedi (18h et 20h30) et deux matches le dimanche à 16h30. Seule la belle affiche du dimanche 19h sera co-diffusée gratuitement sur La Chaîne L’Équipe, canal 21 de la TNT.
Cette programmation privilégie stratégiquement les clubs engagés en Euroligue - Paris Basketball, AS Monaco et ASVEL Lyon-Villeurbanne - qui sont contraints de jouer le dimanche en raison de leur calendrier européen. Une manière d’assurer des affiches attractives chaque semaine et de mettre en valeur les représentants français sur la scène continentale.
Perspectives d’audiences : des références encourageantes
Les précédentes expériences de diffusion gratuite du basket français offrent des références solides pour estimer le potentiel de cette nouvelle fenêtre. Le All-Star Game 2024, diffusé sur La Chaîne L’Équipe et Skweek, avait attiré une audience moyenne de 300 000 téléspectateurs avec un pic à 450 000, confirmant l’appétit du public pour le basket en clair.
Plus révélateur encore, France 3 Régions réalise des performances remarquables depuis 2021. Fabrice Goll, directeur délégué aux sports de France 3 Régions, révèle des audiences moyennes de 50 000 téléspectateurs par match, avec une audience cumulée de 200 000 personnes. “C’est considérable ! Il n’y a pas une seule chaîne ou plateforme payante qui peut réaliser ces audiences-là”, souligne-t-il.
Ces chiffres prennent une résonance particulière sur une chaîne nationale comme L’Équipe, qui touche potentiellement 14 millions de téléspectateurs cumulés sur quatre semaines. L’objectif d’atteindre 200 000 à 300 000 téléspectateurs en moyenne semble donc réaliste, voire dépassable lors des grandes affiches.
Perspectives économiques : un modèle hybride prometteur
Le modèle économique hybride adopté par la LNB s’inspire des succès observés dans d’autres sports. Le rugby français, avec ses 74 millions d’euros annuels de droits TV, mise sur une combinaison de diffusion payante (Canal+) et gratuite (France 2) qui maximise à la fois les revenus et l’exposition.
Pour DAZN, ce partage représente un investissement dans l’avenir. La plateforme, qui peine à atteindre ses objectifs d’abonnés en France, mise sur le basket comme produit d’appel complémentaire au football. Avec une offre désormais réduite à 9,99 euros par mois pour le basket, DAZN espère séduire les fans de la balle orange tout en développant sa base d’abonnés française.
L’exemple de beIN Sports illustre le potentiel du basket comme audience de niche fidèle. La chaîne payante, qui diffuse la NBA depuis 2012, réalise ses meilleures performances historiques en s’appuyant sur un public “atypique, fidèle et jeune qui en veut encore plus”. Un profil démographique particulièrement prisé par les annonceurs.
L’impact sur l’écosystème médiatique français
Cette fenêtre gratuite s’inscrit dans une stratégie plus large de démocratisation du basket français. La LNB a multiplié les partenariats : France Télévisions diffuse l’Elite 2 (ex-Pro B) sur ses antennes régionales, Sport en France propose la Wonderligue féminine, et même DAZN offre gratuitement certains événements comme l’All-Star Game.
L’arrivée sur L’Équipe créé également une émulation avec la programmation existante. La chaîne, qui diffuse déjà les matchs de préparation de l’équipe de France, peut désormais proposer un continuum basket du niveau national à international. Une cohérence éditoriale qui renforce la crédibilité du championnat français.
Les défis à relever : production et régularité
Le succès de cette fenêtre dépendra largement de la qualité de production. La LNB et 21 Production, filiale du groupe L’Équipe, promettent jusqu’à cinq caméras par match, un standard professionnel qui contraste avec les productions artisanales du passé.
La régularité sera également cruciale.
Contrairement aux expériences passées où le basket disparaissait parfois des écrans pendant des semaines, la programmation hebdomadaire du dimanche 19h offre un rendez-vous fixe permettant de fidéliser une audience. Philippe Ausseur, président de la LNB, mise sur cette exposition régulière : “On se garde cette fenêtre, un match phare, celui du dimanche à 19h, parce qu’on veut jouer l’exposition”.
Un catalyseur pour l’ensemble de la filière
Au-delà des audiences immédiates, cette diffusion gratuite pourrait avoir des effets d’entraînement considérables. Les clubs de Betclic Élite constatent déjà un engouement croissant : la LNB table sur un taux de remplissage de 92% dans les salles en 2024, soit quatre points de plus qu’en 2023.
Cette dynamique positive profite également au basket jeune. Les licences FFBB progressent, dopées par la visibilité des Bleus en compétitions internationales et l’exposition médiatique du championnat français. Un cercle vertueux que cette fenêtre gratuite ne peut qu’amplifier.
Les enjeux d’avenir : pérennité et développement
Le véritable test de ce partenariat sera sa pérennité. La LNB, échaudée par les déboires passés, cherche avant tout la stabilité. Le contrat DAZN jusqu’en 2029 offre cette visibilité, mais la vraie réussite se mesurera à la capacité de maintenir cette fenêtre gratuite sur la durée.
L’objectif à long terme reste clair : redonner au basket français la place qu’il méritait dans le paysage médiatique hexagonal. Avec ses trois représentants en Euroligue cette saison et une génération dorée d’internationaux français en NBA, le championnat français n’a jamais disposé d’atouts aussi solides pour reconquérir le grand public.
Ce dimanche 28 septembre, quand ASVEL recevra Nancy à 19h sur La Chaîne L’Équipe, ce ne sera pas qu’un simple match de championnat. Ce sera le symbole d’une renaissance, celle d’un sport français qui retrouve enfin sa fenêtre sur le monde. Après des années d’errance télévisuelle, le basket français renoue avec ses fondamentaux : du spectacle, de la régularité, et surtout, de la gratuité. Un pari sur l’avenir qui pourrait bien redessiner le paysage sportif français pour les années à venir.